Article paru dans Holistik Magazine (n°7-2016)
Quoi de plus merveilleux que de se laisser rêver pour aller mieux ?! Les anciens le savent depuis longtemps. Les chamanes voyagent dans des mondes oniriques pour soigner, les psychanalystes écoutent les rêves nocturnes de leurs patients pour les aider à mieux se comprendre. Et les enfants rêvent éveillés, tout le temps, sans même s’en rendre compte !
Fermez les yeux, laissez votre corps se relâcher et accueillez simplement les images, sans jugement … Voilà comment se produit un Rêve Eveillé Libre : sans induction, sans attente, sans projet, mais en connexion avec l’instant présent, prêt à accueillir les images et à « regarder » le scénario qui est en train de se produire dans mon cerveau, cadeau de mon inconscient !
Le Rêve Eveillé Libre est un outil thérapeutique ET un outil de mieux-être : il n’est pas nécessaire d’attendre d’aller mal pour l’expérimenter.
Dans un monde dominé par l’intellect, la performance, le matérialisme, où les attentes sociales et professionnelles sont tellement fortes, beaucoup se sentent oppressés, en perte de repère. Ils ne vivent plus, ils sur-viventdans une existence où tout est régi par quelque chose dont on ne sait rien, et contre lequel on croit ne rien pouvoir faire.
Dans ce contexte, s’offrir ce temps de pause en s’allongeant sur le divan pour faire un Rêve Eveillé Libre est déjà une façon de réapprendre à s’écouter.Ecouter son corps qui, relâché dans un état de profonde détente, va s’exprimer par des sensations. Ecouter le son de sa voix, qui naturellement va baisser. Ecouter les émotions qui accompagnent parfois les scenarios. Finalement, écouter son inconscient qui se manifeste par les images et les symboles du rêve.
Ainsi, Marie se voit souvent dans ses rêves comme une petite souris apeurée, ce qui représente sa manière d’être au monde : derrière un masque social avenant et dynamique, elle vit dans la peur d’être elle-même. Ce jour-là, elle est particulièrement mal, sans trop savoir pourquoi. Son rêve va lui permettre de retrouver, dans sa fusion avec le gland-chêne, sa puissance de vie.
Il y a un gland sur une table, la petite souris hésite à le manger… Elle est triste, elle a plus envie de rien, elle se traine, elle se dit que même manger ce gland, ça aurait pas de sens… Elle le prend avec elle, elle creuse un petit trou par terre et elle s’endort en faisant une prière… Elle se dit que de toute façon c’est fini, que sa vie de petite souris est finie … C’est pas vraiment une prière, mais… elle s’endort avec l’idée qu’elle va mourir, que sa vie va s’arrêter là, tranquillement, qu’elle va juste s’endormir et pas se réveiller… Avec ce gland, elle se sent moins seule, elle se dit que lui, au moins, il a un potentiel de vie, alors elle s’endort, en fait elle fait comme … c’est comme si elle fusionnait avec le gland, le gland commence à se transformer, à avoir des racines qui poussent dans la terre, il enveloppe la petite souris, il la prend avec lui dans son trou, comme si l’arbre avait l’âme de la souris et que l’âme de la souris avait trouvé une nouvelle enveloppe… Et l’arbre pousse, c’est un très beau chêne, il est tout de suite très grand, très vieux, comme un vieux sage qui porte déjà en lui toute l’histoire de la petite souris, toute sa souffrance, toute sa peur, toute son incompréhension face au monde… Et ce chêne, il est solide, lui, il n’a pas peur… Il pousse vers le ciel et là, il a le regard qui porte très très loin… A la fois il voit ce qui se passe sous les branches, au raz du sol, dans la forêt, là où il fait sombre, où on distingue pas très bien, et à la fois il voit sous terre avec ses racines… là où il fait chaud, où il y a de l’énergie, de la force… Il a en lui aussi toute la colère de la petite souris… Il communique ça à tous les arbres de la terre et l’information va très vite… Tous les arbres de la terre se mettent ensemble, comme s’ils allaient se mettre à gronder… comme s’ils canalisaient toute cette colère et ça tremble… toute la terre tremble… On dirait que ça va exploser… mais non, ça n’explose pas, parce qu’il y a une espèce de dieu qui est là, qui prend la petite planète dans la main et lui fait des caresses pour la rassurer… Il souffle dessus, ça fait partir la colère… Il souffle, il souffle… c’est comme un grand nettoyage de la terre… Petit à petit, les arbres s’apaisent, la terre ne tremble plus, on entend les oiseaux qui chantent, il y a une cascade, on dirait que de nouveau, c’est comme le paradis, tout est en équilibre, en harmonie, chaque élément vivant a retrouvé sa place, la nature a repris ses droits… Et le beau chêne est satisfait, paisible, il est devenu le vieux sage que les autres êtres vivants viennent consulter. Il est rassurant, bien enraciné, tout le monde vient le consulter, de très très loin, c’est comme si sa parole rééquilibrait les choses… Il ne veut plus qu’il y ait autant de colère, ça ne sert à rien, il veut garder ce souffle qui apaise, parce que c’est mieux comme ça.
Dans ce rêve, Marie revisite ses émotions cachées (sentiment de solitude, tristesse, souffrance, colère, …) pour opérer un « nettoyage ». Ainsi, en fusionnant avec le grand chêne, elle se verticalise et s’enracine. Elle devientle grand chêne et la transformation peut s’opérer : les faiblesses deviennent des forces, les blessures deviennent sagesse, les déséquilibres s’harmonisent. Autrement dit, le négatif se transforme en positif. L’image du paradis peut alors émerger, manifestant « le mouvement de réhabilitation d’un rapport objectif au monde »[1]. En effet, par la suite, Marie a manifesté de vraies modifications dans sa manière d’être au monde. Elle fut surprise d’observer que sa posture s’affirmait, qu’elle prenait mieux sa place dans ses relations sociales et familiales et, plus globalement, le bien-être qui découla de cette séance fut remarquable. Elle exprimera à plusieurs reprises combien le vieux sage l’accompagnait dorénavant, lui donnant une forme de réassurance de tranquillité intérieures jusqu’alors inconnues.
Audrey de la Grange est Docteure en Psychanalyse, Psycho-Analyste en Rêve Eveillé Libre. Elle consulte à proximité de Montpellier.
[1]G. Romey, Encyclopédie de la symbolique des rêves, Ed. Quintessence, 2005.
Pour le lire en ligne : https://issuu.com/holistikmagazine/docs/holistik_magazine_7_-_mieux_vivre